samedi 26 mai 2012

Dictée numérique ou reconnaissance vocale ?

Qui n’a pas entendu dans les services d’un hôpital : « j’ai un collègue qui a une dictée vocale et il en est très content ». Derrière ce leitmotiv, qui se veut définitif, se cache une confusion commune entre d’une part la dictée numérique et d’autre part la reconnaissance vocale. La première chose à préciser, en particulier quand on parle avec une direction métier ou d’un établissement est de bien expliquer la différence entre les deux technologies.

La dictée numérique est peu ou prou une messagerie mono directionnelle de fichiers son. La personne qui dicte (le locuteur ou l’auteur en fonction des logiciels) génère un fichier son à l’aide d’un micro ou d’un dictaphone numérique et peut lui ajouter quelques méta données (service, type de dictée, numéro de dossier patient, numéro de prélèvement,…) puis l’envoie dans le système. La personne qui transcrit s’appuie sur une liste de travail, s’attribue une ou plusieurs dictées et indique qu’elle a terminé la transcription. Certains systèmes permettent d’utiliser l’infrastructure téléphonique locale pour la dictée, d’autres ont des versions smartphone. Pour la partie transcription, la plupart des systèmes utilisent des kits pédaliers comparables à ceux utilisés avec les systèmes à casettes, connectés au PC en USB.

La reconnaissance vocale, quant à elle, consiste à transformer la voix en chaine de caractères, en général directement sur le poste de la personne qui dicte. Il existe néanmoins des systèmes qui marient les deux technologies où le fichier son de la dictée numérique est converti en temps différé ou lors de la transcription.

Nous avons mené dans notre hôpital un projet de mise en place progressive d’une dictée numérique, d’abord dans des secteurs déjà équipés de systèmes à cassettes (imagerie, pathologie) puis dans un secteur où les médecins se déplaçaient après chaque patient pour dicter à la secrétaire le contre rendu de la consultation en cours de traitement.

Le système choisi, WinScribe, a été couplé à nos applications métier, grâce à une couche d’intégration qui permet de lancer la dictée et de précharger un certain nombre de paramètres (nom du médecin, IPP, identité du patient, type de dictée). Le service est, lui, associé à l’utilisateur connecté.

La mise en place dans les services déjà équipés de dictaphones à cassettes n’a posé aucun problème d’adaptation. Le gain a été immédiat pour les secrétaires qui n’ont plus à chercher les cassettes et qui peuvent choisir directement la dictée d’un patient en cas d’urgence (c’est particulièrement vrai en imagerie ou les délais de mise à disposition des comptes rendus à destination des cliniciens doit être le plus court possible).

La conduite du changement pour les services qui n’étaient pas équipés de dictaphones a dû être un peu plus étoffée. En hôpital de jour de médecine, le fait que le médecin ait l’habitude de sortir de la salle pour dicter son compte rendu directement à la secrétaire crée un lien fort entre les deux. La mise en place de la dictée numérique dans ce secteur a « dématérialisé » ce lien d’où des craintes, de la part des secrétaires, de perdre la relation avec le patient et d’être cantonnées à une tache de dactylo. A l’usage, on constate que c’est plutôt le contraire : la secrétaire a plus de temps pour s’occuper du patient puisque le médecin n’est plus là pour l’interrompre, la frappe se faisant une fois le patient parti.

Le point le plus délicat dans l’acceptation de la solution s’est situé principalement chez les secrétaires. Les premiers tests terminés, elles ont très vite compris qu’un tel système permet de couper la proximité avec le médecin et pourquoi pas avec l’hôpital. Il est techniquement envisageable d’externaliser la frappe, ce qui a ouvert beaucoup de débats : télétravail pour les moins pessimistes, plan social et sous-traitance marocaine ou indienne pour les moins optimistes. La finalité de notre projet était d’optimiser l’utilisation des ressources pour permettre une augmentation de l’activité sans augmentation des effectifs. Il nous a fallu déployer beaucoup d’énergie pour désamorcer le conflit naissant.

Autre point de vigilance : la disponibilité de l’application. Tout dysfonctionnement se traduit par une paralysie de l’ensemble des secrétariats. Si la panne a lieu dans les 1ers mois d’exploitation, la tentation sera forte de ressortir les bons vieux magnétophones à cassettes (« parce qu’au moins, eux, ils fonctionnent ! ») et il faudra alors repartir de zéro (ou presque) pour redémarrer le projet et redonner confiance aux utilisateurs. Dans ce cas de figure, les médecins sont d’excellents leviers à condition qu’ils se sentent impliqués, ce qui n’est pas toujours le cas.

Deux ans après cette mise en place, le projet d’extension à 11 autres secteurs est lancé (environ 80 utilisateurs).

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